Poutine : 2 / Opposition : 0
La Russie semble s’éloigner encore un peu plus de la démocratie. Evgueni Urlashov, 45 ans, maire de Yaroslav (600 000 habitants) et un des principaux opposants à Vladimir Poutine, a été arrêté par la police russe, accusé d’extorsion de fonds.
M. Urlashov est un cas à part au sein de l’opposition à Russie Unie (le parti de Vladimir Poutine, qui contrôle tous les rouages de l’appareil d’état). Ce dernier a en effet la prétention de combattre M. Poutine démocratiquement, en gagnant des élections. Une stratégie qui lui a plutôt réussi jusque là, puisqu’il est parvenu l’an dernier à prendre haut la main la mairie de Yaroslav à Russie Unie… Une victoire qui n’a pas manqué de déplaire au Kremlin. D’autant plus que, critiquant ouvertement la corruption et la dérive autoritaire du régime, M. Urlashov jouit en Russie d’une grande popularité.
Coïncidence étonnante, son arrestation a eu lieu quelques heures après sa rencontre avec des représentants du Conseil de l’Europe, venus le rencontrer pour parler des dérives du régime à l’encontre de la société civile.
Cette mise en examen fait étrangement penser à celle d’Alexis Navalny, le célèbre bloggeur anti-corruption, dont nous avions parlé sur ce site il y a quelques semaines.
Même motif, même punition. Il ne fait pas bon être un opposant à Vladimir Poutine tout en étant populaire en Russie.
Quand on observe le déroulement du procès Navalny, on peut se permettre d’être pessimiste sur l’avenir de M. Urlashov : le juge saisi du dossier il y a plusieurs semaines a refusé hier que la défense présente des preuves à la cours. Bien entendu, cela ne poserait pas de problème de principe si l’on pouvait avoir une totale confiance envers les policiers chargés de l’enquête sur leur impartialité…
On a souvent tendance à mettre instinctivement la Russie dans le lot des régimes autoritaires, au même titre que la Chine par exemple. C’est une erreur. Le pays dispose d’institutions démocratiques effectives, la fraude électorale n’y est pas monnaie courante (l’élection de M. Urlashov en témoigne), et la société civile est particulièrement active et organisée. Jusqu’à présent, même si de très nombreux reproches ont pu (à juste titre) être faits à Vladimir Poutine, il a toujours obtenu et conservé le pouvoir d’une manière démocratique. Une démocratie « musclée » (notamment à l’encontre des journalistes trop curieux ou des membres de « clans » différents) et hautement critiquable sur certaines de ses méthodes, certes, mais une démocratie.
Cependant, les agissements récents du Kremlin changent la donne. En enfermant ses opposants, le président russe fait sortir son pays d’une démocratie déjà très imparfaite. Cette « régression » (si tant est que l’on considère l’accès à la démocratie occidentale comme un « progrès ») interroge. Il y a quelques années, M. Poutine n’avait pas besoin de s’en prendre ainsi à ses opposants issus de la société civile. Le soutien populaire dont il jouissait suffisait largement.
Deux hypothèses peuvent donc être avancées :
Soit M. Poutine a peur du renforcement de ses contradicteurs et de leur audience, soit il tient maintenant tellement bien la Russie en main qu’il peut tout se permettre. Paradoxalement, les deux sont probablement vraies.